Née en 1975 à Maroua dans le département de Diamaré, dans l’Extrême-Nord du Cameroun, Djaïli Amadou Amal est une militante féministe, écrivaine camerounaise qui a su frapper de sa plume durant l’année 2020.
En effet, le parcours a été long pour cette ressortissante du grand Nord Camerounais qui a due batailler et braver les barrières culturelles afin de devenir la lauréate du prix Goncourt des lycéens cette année et d’honorer le nom d’un pays qui lui a fait grâce des lourdeurs de la féminité face au traditionalisme et au machisme africain
Nous reviendrons donc sur le parcours de celle qui en cette fin d’année représente la fierté de notre 237.
Les débuts tumultueux d’une femme brimée par un système de domination masculine
Fille d’un père camerounais et d’une mère égyptienne, la jeune Djaïli Amadou Amal se marie à dix-sept ans dans le cadre d’un mariage forcé. En 1998, Djaïli Amadou Amal parvient à quitter cet homme après 5 ans de vie commune. Dix ans plus tard, elle marie une nouvelle fois puis quitte son époux violent, pour s’installer à Yaoundé. Au moment de la rupture, celui-ci kidnappe ses deux filles pour la punir. La jeune femme forte du Grand Nord ne baissera pas les bras. Celle qui rêvait d’être journaliste travaille grâce à son BTS en gestion, vend ses bijoux, achète un ordinateur, une table, une chaise et se met à écrire. De là se développe une nature engagée qui a besoin d’exprimer son vécu et son ressenti.
La première femme auteure littéraire du Septentrion camerounais
Tout commence par la sortie de son premier roman Walaande, l’art de partager mon mari. Paru en 2010, c’est un témoignage autobiographique d’une femme qui a vécu la chose de l’intérieur. Le récit raconte l’histoire de quatre femmes qui doivent attendre leur tour pour avoir la possibilité d’aller vers leur époux. Peinture de la réalité, ce livre est très bien accueilli par la critique et remporte le prix du jury de la fondation Prince de Claus à Amsterdam. Dans la même lancé fini par être traduit en arabe et diffusé dans le Maghreb et le Moyen-Orient. Dans cet ouvrage, Djaïli Amadou Amal dénonce des pratiques traditionnelles et religieuses mettant souvent à mal la femme mais surtout la jeune fille. Toutefois cet œuvre représente une véritable mise en lumière de la culture peule.
En 2012, elle assisté à un programme du gouvernement américain aux États-Unis, International Visitor Leadership Program (IVLP) axé sur la société civile et les femmes leaders. Dès son retour au bercail, elle crée l’association Femmes du Sahel soutenue par l’ambassade des États-Unis au Cameroun. La même année, elle est l’invitée du salon du livre de Paris où elle effectue un passage très remarqué.
A la sortie de son deuxième roman, Mistiriijo, la mangeuse d’âmes, paru en 2013, c’est la confirmation du talent de la romancière. Le journal camerounais, L’Œil du Sahel, la classe en 2014 parmi les cinq femmes influentes du Nord-Cameroun, pionnières dans leurs domaines respectifs. Le quotidien Le Jour la désigne comme l’une des figures de proue de la nouvelle littérature camerounaise.
En août 2016, un décret du Ministre des Arts et de la Culture l’intègre au Comité d’Organisation du Festival National des Arts et de la Culture (FENAC), qui se tient à Yaoundé au mois de novembre de la même année. À l’occasion de cet événement, elle reçoit la distinction de chevalier de l’Ordre de la Valeur, actée par le décret du Chef de l’État camerounais, Paul Biya. L’année suivante, elle est élue au conseil d’administration de la Société civile des droits d’auteurs de la littérature et des arts dramatiques (SOCILADRA).
Son troisième roman, Munyal, les larmes de la patience, paraît en septembre 2017, la classant définitivement parmi les valeurs sûres de la littérature africaine. Cet ouvrage remporte en 2018 la sélection de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, récompensé par la publication sous le label de la collection Terres Solidaires pour une large diffusion et promotion dans les pays d’Afrique francophone. C’est la première fois qu’un écrivain ayant publié en Afrique remporte cette sélection.
Auteure à succès, Djaïli Amadou Amal est sans doute l’écrivain camerounais le plus lu ces dernières années. Ainsi à l’occasion de la dédicace qu’elle tient en mai 2018 à l’Institut français de Yaoundé, de son roman Munyal, l’éditeur Proximité en écoule 251 exemplaires.
En mars 2019, l’ouvrage consacre l’écrivaine lauréate du prix de la Presse panafricaine de littérature 2019 qui lui est décerné au salon Paris Livre. Un hommage de la nation organisé à cette occasion par le Ministre des Arts et de la Culture, Ismael Bidoung Mkpatt, lui est rendu à l’ambassade du Cameroun à Paris. Deux mois plus tard, elle est la lauréate du 1er Prix Orange du Livre en Afrique. Des distinctions abondamment relayés dans les médias nationaux (dont elle couvrira constamment la une) et internationaux (dont Jeune Afrique, Paris Match, Radio France internationale, Vox Africa, France 24, TV5 Monde, entre autres), confortant la renommée de la romancière dans son pays et au-delà des frontières nationales.
Un hommage national lui est rendu au mois de septembre 2019 par le Premier Ministre au nom du Chef de l’État à l’occasion de la rentrée culturelle et artistique nationale. La cérémonie retransmise en direct de la CRTV, au cours de laquelle elle sera élevée au rang d’officier de l’Ordre de la Valeur. Après cette cérémonie elle s’engage aux côtés de l’Unicef. Deux semaines plus tard, elle effectue un retour triomphal dans sa ville natale, Maroua, où elle est célébrée par les autorités administratives et politiques, les élites locales et la population.
Le quotidien Cameroun Tribune désigne le roman Munyal, les larmes de la patience livre de l’année en fin 2019.
L’écrivaine de l’année, le produit que sa propre société n’a jamais voulu qu’elle soit
Après son entrée au sein de la maison d’édition française Anne Carrière/Emmanuelle Collas qui la publie dès 2020. L’éditrice veut retravailler le texte de Munyal pour « qu’il devienne universel, qu’il puisse être lu partout dans le monde ». Il paraît en septembre 2020 sous le titre Les Impatientes, fait partie de la première sélection du prix Goncourt 2020 et atteindra la finale. Cette performance remarquable fera d’elle la première écrivaine africaine à accéder en finale du Goncourt, et le deuxième écrivain de l’Afrique subsaharienne depuis le Guinéen Saïdou Bokoum en 1975 pour son fameux roman, Chaînes. « Les impatientes » obtiendra finalement le prix Goncourt des lycéens le 2 décembre 2020
Aujourd’hui épouse dévouée et figure de proue du Septentrion camerounais, Djaïli Amadou Amal vit à Douala en compagnie de son époux, Hamadou Baba, un ingénieur issu comme elle de la région septentrionale du Cameroun, et également écrivain sous le pseudonyme de Badiadji Horrétowdo. Celui-ci dira qu’elle est la meilleure surprise de toute l’histoire du Grand-Nord Cameroun, expliquant qu’elle est l’inattendue, le produit que sa propre société n’a jamais voulu qu’elle soit. Clairement, Djaïli Amadou Amal est la figure de proue en matière littéraire de toute l’Afrique francophone. Véritable emblème national, elle représente un modèle pour la jeune fille camerounaise aspirant à être une grande dame de demain.