Restitution des biens culturels : pourquoi le Cameroun est-il en reste ?
L’on entend de plus en plus parler de restitution d’œuvres d’art et objets culturels aux pays africains. Le cas du Cameroun demeure mythique, car on n’aborde jamais ou presque jamais le sujet. C’est à se demander si dans notre pays, on souhaite réellement le retour de ces biens culturels, qui représentent bien plus que des biens. Ils sont notre identité.
L’histoire telle qu’on nous l’a toujours racontée concernant nos biens culturels est que ceux-ci ont été pillés par les colons. Il s’agit principalement de l’Allemagne, la France et l’Angleterre. Mais deux nations sont le plus pointées du doigt : l’Allemagne et la France. Ce sont plusieurs milliers d’œuvres culturelles qui sont aujourd’hui hors de nos frontières, dont un peu plus de 7800 exposées dans le seul musée du Quai Branly Jacques Chirac (France). Que s’est-il réellement passé ? Pourquoi nos propres chefferies traditionnelles ne mettent pas autant de pression pour le retour de ces œuvres à l’heure où d’autres pays sont résolument tournés vers la réclamation de ce qui leur est dû ? La réponse se trouve forcément ailleurs.
Dans une émission diffusée sur Radio France en 2017, l’historienne de l’art à l’université technique de Berlin, Bénédicte Savoy, s’interroge sur la venue à Berlin d’un trône royal issu du Cameroun en 1908. En effet, il s’agissait d’un trône offert par le roi NJOYA aux allemands en guise de cadeaux afin d’entretenir de bonnes relations entre les deux. Ce don était plus dans un sens diplomatique sans tenir compte de l’impact que cela pourrait avoir dans les années à venir. Cette histoire laisse à se demander si on doit restituer les œuvres qui ont été données en cadeaux ou lors d’échanges diplomatiques. Et tous les objets d’art aujourd’hui dans les musées européens sont-ils uniquement des cadeaux diplomatiques ? N’y a-t-il pas des biens mal-acquis pour que personne n’en veuille au Cameroun ?
Il y a quelques semaines, lors d’une visite à la chefferie Bamoun, l’actuel roi a fait une révélation très forte. Il est de ceux qui pensent que les œuvres culturelles se trouvent mieux dans les musées européens. En fait, d’après lui, elles sont beaucoup mieux entretenues là-bas qu’ici. Et en plus, une rétro-commission serrait versée à la chefferie chaque fin d’année. Ce qui amène à se demander si, à la base, un deal n’avait pas été conclu. Serait-ce là la raison pour laquelle la question semble ne pas être abordée ?
Ces deux cas montrent à suffisance qu’il y a anguille sous roche sur la restitution des objets d’art camerounais. Ou alors, il y a des choses qu’on ne nous dit pas clairement.